Compte-rendu de la 9ème RdB

La rencontre RdB/LHC a eu lieu mercredi 17 février.

C’est d’abord Emmanuel Martin qui a pu présenter brièvement Un Monde Libre, dont la vocation est de diffuser les idées libérales dans le monde francophone et notamment vers l’Afrique. Le site est à la recherche de contributeurs. Il est aujourd’hui une référence pour les media en Afrique. Un Monde Libre était un projet du CATO Institute, désormais financé par l’Atlas foundation. 

Ensuite, Georges Lane (Professeur à l’Université Paris-Dauphine – Blog principes de Sciences économiques) a présenté son analyse sur la réforme des retraites, qui a d’ailleurs fait l’objet d’un ouvrage co-écrit avec le Professeur Jacques Garello : Futur des retraites et retraites du futur. Le Professeur Lane constate qu’aujourd’hui, face à la crise des retraites, les “spécialistes” comme Piketty et Généreux ne font qu’envisager des ”critères” à modifier : il ne s’agit que d’agir sur des paramètres et non sur le système en lui-même. Il a ainsi apprécié le développement d’un système datant des années 40 (et du régime de Vichy). En effet, les points ayant conditionné la création de la sécurité sociale constituent aujourd’hui le fondement de l’opposition à toute réforme. Il est donc nécessaire d’étudier comment passer du système actuel de répartition à un système par capitalisation.
 
a. La réforme dont il est question aujourd’hui touche aux régimes dits “de base” seulement, mis en place en 1940,  et usuellement opposés aux régimes “complémentaires” (plus tardifs, créés à la fin de la décennie 40 pour le régime de cadres et à la fin des années 50 pour les non-cadres). Ces derniers régimes complémentaires sont en marge de la sécurité sociale. Cette distinction est typique à la France : elle est ignorée à l’étranger. Il est essentiel de tenir compte de cette distinction, sous peine de rendre toute réforme incompréhensible.

Le régime de base permet un maximum de retraite, “fixé à 50% du plafond de la sécurité sociale”. Cette notion de plafond a été introduite en 1930. Les salariés de l’industrie et du commerce dont le salaire était inférieur à un certain montant avaient l’obligation de souscrire à une assurance vieillesse. Si le revenu était supérieur : le salarié avait la liberté de cotiser ou non, de souscrire ou non à une assurance vieillesse. Ce régime a été dénaturé. Aujourd’hui, le plafond est fixé à 2865€. Le salarié retraité va toucher 1424€ au titre du régime de base. Donc, il existe un montant maximal de retraites. On ne peut prétendre à ce taux plein de retraite que si on a cotisé suffisamment. En 1945, il était nécessaire de cotiser pendant 30 ans pour avoir droit au taux plein. Dans les années 70, le seuil est passé à 37,5 ans puis, petit à petit, à 40, 41 années…

En 1983, l’âge légal de la retraite est passé à 60 ans. Donc, dans la mesure où nous avions 60 ans et 37,5 ans de cotisation, on pouvait espérer une retraite à taux plein. Cela témoigne du pouvoir arbitraire de l’Etat: ”La technocratie qui se considère omnisciente gère notre vieillesse (…) Fondamentalement, la sécurité sociale, c’est de la planification socialiste“.  
 
b. La question du salaire minimum des salariés de l’industrie et du commerce est à retenir: pour eux, la sécurité socialie atteint aujourd’hui 50% du prix de leur travail. En clair, il faut tenir compte de ce qui importe réellement à l’employeur: le prix du travail (= salaire brut + cotisations patronales). C’est ce que l’on appelle le “salaire complet” ou, pour les technocrates, le “salaire super-brut”. Ce prix du travail donne lieu au titre des cotisations sociales à un prélèvement de 50%. Or, le problème du salaire minimum est important: c’est un résultat du travail des syndicats dans les années 50. Il est en fait un prix du travail réglementé: il est donné sans qu’interviennent les cotisations patronales.

En revanche, le salarié verse les cotisations sociales déduites de son salaire brut: on parle alors de salaire net. On constate aujourd’hui en moyenne que les cotisations sociales représentent 40% du prix du travail. Donc, d’un point de vue chiffré, le salarié moyen verse relativement moins de cotisations sociales que celui salarié au minimum: 40% dans un cas, 50 dans l’autre. Ainsi, une personne payée au SMIC verse deux mois de salaire brut aux cotisations vieillesses (cotisations patronales et salariales). Donc: le Smicard verse deux mois de salaire brut pour 12 mois de salaire. En conséquence, ces deux mois ne sont pas épargnés mais versés aux retraités.

c. Un système “juste et égal” ? En 40 ans, de ’68 à 2009, le taux de cotisation vieillesse est passé de 8,5% à 14,95% pour un smicard ou pour des salariés qui ont un salaire inférieur au plafond de sécurité sociale. Pour ceux qui ont un salaire supérieur, le taux va entre 16 et 65%. Donc, en 40 ans, le taux de cotisation vieillesse a doublé. Ainsi, une personne âgée aujourd’hui de 20 ans, payée au SMIC, supporte une charge deux fois plus grande que son père de 40 ans.  

De 1947 à 1967, les salariés ne versaient qu’une seule cotisation: la maladie n’était pas distinguée de la vieillesse ou des accidents du travail. La subdivision date de 1967. On a instauré quatre branches: il y a donc eu une individualisation des différentes cotisations. Les cotisations vieillesse s’élevaient à 8,5% (3% de cotisation salariale et 5,5% de cotisation patronale). Comprenons bien que l’ensemble est nécesssairement payé par le salarié (puisque les cotisations sont prélevées sur son salaire).

Donc: en 1947, le salarié versait 16% du prix de son travail. En 2010, pour la seule retraite, le taux de cotisation atteint 60%.

En 1967, la Cour des Comptes devait vérifier l’équilibre financier des branches. Dès 1973, elle a déclaré que cela était impossible: les données n’étaient pas disponibles. En effet, elles sont indéfinies. Aujourd’hui, la Cour des Comptes veut délimiter les finances des branches. A défaut, elle refuse systématiquement de certifier les comptes de la sécurité sociale de base.

d. Les déficits comptables des régimes de base n’ont fait que croître, malgré les augmentations de taux, d’assiettte, de nombre d’années ou de trimestres de cotisation. En contrepartie: la venue d’un chômage de masse avec les années 70, produisant un ralentissement des carrières et, de proche en proche, l’impossibilité pour les personnes de verser les cotisations qu’ils auraient dû verser et, ainsi, une stagnation des pensions.

Dans un système par capitalisation, un salarié retraité dispose de son capital et sera disponible pour sa famille. De surcroît, s’il disparaît, le capital reste disponible: la famille peut en disposer. Au contraire, dans un système par répartition comme le nôtre, la famille a droit à très peu: seulement à une “pension de réversion”, créée dans les années 70, donnant droit à 50% de la retraite touchée si le salarié n’était pas décédé.

Conclusion: L’analyse montre combien il est nécessaire d’informer, d’expliquer ce qu’on perd avec ce régime par répartition et ce que l’on gagnerait avec la capitalisation. Il faut réduire l’ignorance sur notre système. Depuis une vingtaine d’années, un certain nombre de pays ont avancé vers la capitalisation. Il est à rappeler que la France connaissait jusqu’en 1939 et le régime de Vichy un système fondamentalement d’assurance. Ainsi, il ne s’agit pas d’appliquer les réformes chilienne et thatchérienne comme les anti-libéraux le pensent mais le système français antérieur à Vichy! Il devient urgent de revenir sur un système injuste inégal et obligatoire, qui ne peut pas donner de résultats positifs et qui fait survivre les syndicats, qui peuvent placer leurs permanents dans les conseils d’administration des caisses.

Enfin, Bill Stewart (Professeur à l’American University of Paris) a livré un témoignage très personnel – difficile à résumer compte tenu de sa spontanéité - sur Murray Rothbard, dont il a été l’élève. Lisant dans la presse que Nicolas Sarkozy souhaitait reconstruire Haïti, Bill Stewart se disait que Rothbard aurait voulu préserver cette île sans Etat, et la corruption avec. C’est par Walter Block que Bill a connu Rothbard: il avait écrit une critique de ce dernier! Mais l’auteur de Man, economy and state se moquait des attaques personnelles et ils sont alors devenus proches. Le contexte était celui des années 70, fortement marqué par la guerre du vietnam, la récession, l’influence de la New Left née du marxisme, et l’essor des baby boomers. Les libertariens cherchaient ainsi des réponses aux atteintes portées à la Liberté individuelle. En 1972 fut créé le parti libertarien, qui compta 1 million de voix en 1980, avant de s’écrouler. A la même époque, Rothbard fut exclut du CATO Institute par Ed Krane et Charles Coke: ceux-ci refusaient son radicalisme. Pourtant, Rothbard avait accepté certains compromis, notamment avec la gauche marxiste, elle aussi opposée à la guerre du Vietnam. Le conflit a naturellement dégénéré: Rothbard en est ainsi venu à qualifier les membres du CATO de “big government libertarians“.

Le message qu’il nous aurait laissé? “Faites reculer l’Etat, il est notre ennemi“.

Rothbard est sans doute l’anti-Rand: il ne souhaitait pas être l’objet d’un culte (Cf.: “Mozart was a red“). Son cours au Brooklyn polytechnic institute de New-York était ouvert à tous. Il était avenant et plein d’humour: il était impossible de ne pas l’apprécier. Bill Stewart  a conseillé la lecture de Why be libertarian (extrait de L’égalitarisme, ou une révolte contre-nature) et de Isaiah’s job de Albert J. Nock (figure de proue de la “old right” anti-étatiste américaine, dont Rothbard était un fervent admirateur). 
 

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One Comment

  1. Mutuelle
    Posted 24/02/2010 at 3:56 pm | Permalink

    Merci pour cet article

2 Trackbacks

  1. By Expression Libre on 23/02/2010 at 8:55 am

    [...] une bonne nouvelle ne vient jamais seule, il a accepté de venir présenter son livre lors de la RdB / dîner LHC du 16 mars prochain [...]

  2. By Compte-rendu de la 9ème RdB | Portail LHC on 04/04/2010 at 1:48 am

    [...] the rest here: Compte-rendu de la 9ème RdB « contribuez au projet "un monde libre" Hayek vs Heynes en vostfr » [...]

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